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"Que Dieu nous prenne en grâce et nous bénisse, que son visage s'illumine pour nous ; et ton chemin sera connu sur la terre, ton salut, parmi toutes les nations. Que les peuples, Dieu, te rendent grâce ; qu'ils te rendent grâce tous ensemble !" (Psaume 67)

lundi 25 janvier 2016

"Va te réconcilier avec ton frère" (Mt 5,24)

par Maxime le Confesseur


Veille sur toi-même. Prends garde que le mal qui te sépare de ton frère ne se découvre un jour non pas en ton frère, mais en toi. Hâte-toi de te réconcilier avec lui, afin de ne pas déchoir du commandement de l’amour.
Ne méprise pas le commandement de l'amour. C'est par lui que tu seras fils de Dieu. Mais si tu le transgresse, tu te retrouveras fils de la géhenne. [...]

Es-tu en train de connaître l’épreuve du fait de ton frère, et la tristesse est-elle entrain de te mener à la haine ? Ne te laisse pas vaincre par la haine, mais sois vainqueur de la haine par l’amour.
Voici comment tu vaincras : en priant sincèrement Dieu pour lui, en acceptant qu’on l’excuse, ou même en te faisant toi-même son défenseur, en considérant que tu es toi-même responsable de ton épreuve, et en la supportant avec patience jusqu’à ce que le nuage soit passé. [...]

Le frère dont tu considérais hier qu’il était spirituel et vertueux, ne le juge pas faux et méchant à cause de l’aversion d’aujourd’hui, car cette aversion t’est inspirée par la calomnie du Malin.
Rejette donc de ton âme cette aversion ; rejette-la par l’amour patient, en pensant au bien que ton frère, hier, t’a procuré.

Celui dont, hier, tu louais la bonté et glorifiais la vertu, ne dis pas du mal de lui aujourd’hui, en considérant qu’il est faux et méchant parce qu’en toi, l’amour s’est changé en aversion. Ne blâme pas ton frère pour justifier la haine mauvaise qui est en toi. Mais continue de le louer, quand bien même t’accablerait la tristesse, et tu reviendras aisément à cet amour salutaire.

En mêlant inconsciemment le blâme à tes paroles quand tu parles à d’autres frères, n’altère pas les éloges qu’on adresse habituellement à ton  frère, à cause de la peine qu’il t’a faite et qui est encore en toi. Mais dans les conversations, loue-le en toute pureté, prie sincèrement pour lui comme pour toi-même, et tu seras très vite délivré de la dangereuse aversion. [...]

Si d’aventure un frère, parce qu’il est tenté, persiste à dire du mal de toi, ne te laisse pas emporter hors de l’état d’amour, quand le démon lui-même te trouble en pensée. Ainsi tu ne seras pas emporté si, injurié, tu bénis et si, diffamé, tu demeures bienveillant.
Telle est la voie qui donne d’aimer la sagesse, selon le Christ. Ce lui qui ne la suit pas ne demeure pas en lui.

Examine ta conscience avec le plus grand soin, pour savoir si tu n’es pas responsable de ce que ton frère ne soit pas réconcilié. Et n’essaie pas de tromper ta conscience, car elle connaît tes secrets ; elle t’accusera à l’heure de la mort, et au moment de la prière, elle sera pour toi un obstacle. [...]

Celui qui nourrit de la haine contre un homme ne peut pas être en paix avec Dieu, lui qui as dit : « Si vous ne pardonnez pas aux hommes leurs fautes, votre Père céleste non plus ne vous pardonnera pas vos fautes » (Mat 6,14).
Si donc ton frère ne veut pas faire la paix, toi, du moins, garde-toi de le haïr et prie sincèrement pour lui, sans dire à personne du mal de lui.

Si tu as décidé de vivre avec des frères spirituels, laisse tes volontés à la porte. Autrement tu ne pourras pas être en paix avec Dieu, ni avec ceux qui vivent près de toi.
Ne consens pas à perdre l’amour spirituel, car nulle autre voie de salut n’a été donnée aux hommes.

Lorsque dans ta pensée, tu n’auras ni parole, ni acte honteux, lorsque tu ne garderas par rancune envers qui t’a fait du tort ou dit du mal de toi, lorsqu’au moment de la prière, tu auras l’esprit sans distraction, alors tu sauras que tu as atteint la pleine mesure de la liberté intérieure et de l’amour parfait.

Heureux l’homme capable t’aimer tous les hommes également ! Heureux l’esprit qui a dépassé les créatures et qui jouit sans cesse de l’amour de Dieu.


MAXIME LE CONFESSEUR, Centuries sur l'amour, Philocalie des Pères neptiques, Abbaye de Bellefontaine, tome A3, p. 411ss.) Extraits présentés dans Daniel Bourguet, L'Evangile de Matthieu médité par les Pères.


Maxime le Confesseur (580- † 662): Il nait vraisemblablement dans une famille noble, il revient Premier secrétaire de l'Empereur Héraclius I. Il devient moine en 613 dans un monastère près de Cyzique avant de devoir fuir à Carthage devant l'avancée des Perses. Il est l'inspirateur du  Concile du Latran qui condamna le monothélisme. Mais Constance II fit destituer le pape Martin et arrêter Maxime qui furent envoyés à Constantinople pour être jugés. Le Patriarche Pierre (un monophysite) fit condamner Maxime à l'exil. Il fut torturé et mutilé, on lui coupa la langue ainsi que la main droite.
Son oeuvre est considérable, sa production théologique systématise les grandes lignes théologiques des Pères. On lui doit notamment les Questions à Thalassios, les Centuries sur l'amour qui sont dans la Philocalie, les Ambigua, la Mystagogie, ainsi que de nombreuses lettres. Il est commémoré le 21 janvier par les Orientaux et le 13 août par les Latins.

dimanche 24 janvier 2016

Synaxe de préparation d'un nouveau Concile

Depuis ce vendredi et durant toute la semaine, les Primats  représentant les 14 juridictions de l'Eglise orthodoxes, et la plupart des Patriarches, sont réunis tout près de Genève en synaxe afin de préparer un nouveau Concile qui devrait pouvoir se tenir bientôt.


A découvrir dans le reportage de KTO.



Lire aussi l'homélie du Patriarche de Constantinople Bartholomée Ie, lors de la divine liturgie de dimanche 24 janvier.
 “Chers frères dans le Christ...

vendredi 22 janvier 2016

"Il prit le pain… il prit la coupe" (Mt 26, 26-27)

par Ephrem le Syrien



Au désert, notre Seigneur multiplia le pain, et à Cana il changea l'eau en vin. Il habitua ainsi la bouche de ses disciples à son pain et à son vin, jusqu'au temps où il leur donnerait son corps et son sang. Il leur fit goûter un pain et un vin transitoires pour exciter en eux le désir de son corps et de son sang vivifiants. Il leur donna libéralement ces menues choses, pour qu'ils sachent que son don suprême serait gratuit. Il les leur donna gratuitement, afin qu'ils sachent qu'on ne leur demanderait pas de payer une chose inestimable; car, s'ils pouvaient payer le prix du pain et du vin, ils ne pourraient payer son corps et son sang.

Non seulement il nous a comblés gratuitement de ses dons, mais encore il nous a cajolés avec tendresse. Car il nous a donné ces menues choses gratuitement pour nous attirer, afin que nous approchions et recevions gratuitement cette chose si grande qu'est l'Eucharistie. Ces menus morceaux de pain et de vin qu'il a donnés étaient doux à la bouche, mais le don de son corps et de son sang est utile à l'esprit. Il nous a attirés par ces choses agréables au palais, afin de nous entraîner vers ce qui vivifie les âmes. Il a caché de la douceur dans le vin qu'il a fait, pour indiquer aux convives quel trésor magnifique est caché dans son sang vivifiant. 

Comme premier signe, il fit un vin réjouissant pour les convives, afin de manifester que son sang réjouirait toutes les nations. Le vin intervient dans toutes les joies imaginables, et de même toutes les délivrances se rattachent au mystère de son sang. Il donna aux convives un vin exceller qui transforma leur esprit, pour leur faire savoir que la doctrine dont il les abreuverait transformerait leur coeur. Ce qui n'était d'abord que de l'eau fut changé en vin dans les amphores; c'était le symbole du premier commandement amené à la perfection ; l'eau transformée, c'était la loi perfectionnée.
Les convives buvaient ce qui avait été de l'eau, mais sans goûter l'eau. De même, lorsque nous entendons les anciens commandements, nous les goûtons dans leur saveur nouvelle. Au précepte "gifle pour gifle" qui est dans la loi de Moïse, a été substituée la perfection: "A celui qui te frappe, présente l'autre joue" (Mt 5,39).

En un clin d'oeil, le Seigneur a multiplié un peu de pain et transformé de l'eau en vin. Ce que les hommes font et transforment en dix mois de travail, ses dix doigts l'ont fait en un instant. […] Il n'a pas multiplié le pain, ni produit le vin autant qu'il l'aurait pu, mais jusqu'à la mesure suffisante pour les convives. Ce n'est pas sa puissance qui a mesuré son miracle, mais le besoin des convives et la faim des affamés. Si, en effet, le miracles avait été mesuré à sa puissance, il serait impossible d'en évaluer la victoire.

EPHREM LE SYRIEN, Commentaire du Diatessaron, Sources chrétiennes n° 121, Le Cerf, Paris, 1966.
Tiré de: BOURGET D., L'Evangile médité par les Pères: Jean, Olivétan, 2010, p. 49-50.

Ephrem le Syrien: né en 306 (en Turquie actuelle) et mort en 373, il enseignait la théologie jusqu'au moment où il fut contraint de fuir avec ses élèves à cause de l'invasion perse. Poète, il a écrit beaucoup d'hymnes (plus de 400) et des sermons en vers, ainsi que des commentaires en prose. La beauté de ses écrits lui vaut d'être surnommée "la harpe du Saint Esprit". Reconnu saint par les Orthodoxes comme par les Catholiques, il est proclamé docteur de l'Eglise par Benoit XV en 1920.

mardi 19 janvier 2016

Le baptême des enfants… et si ce n'était pas si compliqué que ça ?

Il est très rare que je prenne la parole personnellement dans mon blog, je me contente habituellement de publier des textes patristiques qui parlent d'eux-mêmes sans que je n'aie rien à ajouter. Aujourd'hui je souhaite écrire une réponse à un article que vous trouverez ici : http://philippegolaz.ch/bapteme-enfant/


Le baptême des enfants… et si ce n'était pas si compliqué que ça ? 
Une réponse à l'article du blog Théologiquement Vôtre sur la présentation/bénédiction des enfants.

Il y a peu mon frère et ami Philippe postait un article très intéressant sur la question du baptême des enfants. On y retrouve son sens du consensus si bien que sur une question tant sujette à polémique il s'en sort magnifiquement en ne se mettant à dos ni les anabaptistes, ni les pédobaptistes, ni les baptisés, ni les rebaptisé, ni les débaptisés.
Si j'admire son sens de la paix et du consensus, je reste un peu sur ma faim. Aussi, et au risque de passer pour l'éternel patrologue de service, je souhaite proposer ici quelques éléments de réflexion et éclairages patristiques sur la question. Philippe saura y voir le signe de mon amitié.


Les multiples sens et effets du baptême

Comme le relève très justement l'auteur du blog Théologiquement Vôtre, le sacrement du baptême, comme tout sacrement est le signe visible d'une grâce invisible, ou comme le dit Augustin: 
« Le signe est quelque chose qui, outre l’objet qu’il offre à nos sens, nous fait penser à une chose différente de lui-même. Ainsi lorsque nous trouvons des pas marqués sur le sol, nous concluons aussitôt que quelqu’un a passé par là, et qu’il y a laissé ces traces. » (Saint Augustin, de Doct. Christ., 1. 2.)
Le signe renvoie au signifié non comme simple symbole mais comme porteur de ce signifié, de manière concrète et efficace. En l'occurrence l'eau dans laquelle est plongé (ou de laquelle est aspergé) le catéchumène signifie effectivement la descente dans la mort et le relèvement pour la vie en plénitude (Rm 6,3-5). L'eau, de par les dangers qu'elle représente, est porteuse de cette symbolique de mort, et dans l'architecture des premières bâtisses chrétiennes le baptistère avait la forme d'une croix. Elle est également porteuse de vie ainsi que le relève Jean-Claude Larchet:
"Le baptistère est aussi comme la matrice, et l'eau comme le liquide amniotique dans lequel est immergé - tel l'enfant dans le sein maternel - celui qui va voir le jour dans un autre milieu, va naître à une vie nouvelle." (LARCHET J.-C, La vie sacramentelle, Paris, Cerf, 2014, p. 47.)
Il manque cependant une autre dimension, sans quoi le sens du baptême est incomplet: l'eau, en plus d'être un symbole de mort et de vie, est un symbole de purification. C'est d'ailleurs le sens premier du verbe grec βαπτίζω (plonger, laver). Le baptisé est lavé des souillures et marques de sa condition déchue. S'il est vrai que la question du péché originel est devenue taboue et que rares seraient les pasteurs sains d'esprit prêts en parler lors d'une préparation de baptême, il n'en demeure pas moins que la dimension de purification fait partie intégrante du sens chrétien du baptême. Pour les Pères des premiers siècles, le baptisé est véritablement débarrassé du péché originel (présent en germe même dans l'enfant) dont il a hérité. Car de même qu'il y a  un héritage génétique, il y a un héritage spirituel. Cela ne signifie pas que l'homme ne sera plus pécheur, mais qu'il ne sera plus esclave du péché, qu'il aura la capacité objective de s'en libérer pratiquement. Et il reçoit cette vie nouvelle dont a parlé Philippe. Larchet écrit au sujet de ce que l'homme reçoit au baptême:
"Cela ne signifie pas que l'homme a acquis, dès qu'il est baptisé, la parfaite ressemblance au Christ, mais qu'il reçoit de nouveau en germe toute les vertus, ainsi que la capacité de les faire croître jusqu'à ce  que la ressemblance, reçue comme une esquisse, trouve son accomplissement." (LARCHET J.-C, La vie sacramentelle, Paris, Cerf, 2014, p. 57.)
Un autre effet du baptême pour les Pères est que le baptisé devient membre du corps du Christ qu'est l'Eglise. Ceci explique la pratique orthodoxe de donner la communion même aux petits enfants et ce immédiatement après le baptême. C'est par le baptême que le catéchumène entre véritablement dans l'Eglise et en devient partie prenante, car en étant baptisé il a revêtu le Christ. "Vous tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ" (Gal 3, 27). En cela, la présentation ne saurait avoir le même sens d'intégration que le baptême.


Un mot du baptême d'enfant dans la Bible

L'auteur de l'article auquel je réponds ici conclut, il me semble, un peu rapidement que tous les baptêmes dans la Bible sont des baptêmes d'adultes. En particulier, il me semble qu'il vaille la peine de s'arrêter un court instant sur le texte d'Actes 16, 27 à 33, notamment sur le verset 33b: "Il reçut le baptême, lui et tous les siens (αὐτὀς καὶ οἱ αὐτοῦ πάντες)." Et au verset 32, Luc insiste encore: "Tous ceux qui étaient dans la maison". A moins qu'il s'agisse ici d'une anomalie rare pour l'époque, l'exégète ne peut ignorer que la "maisonnée " antique se compose du père et de la mère de famille ainsi que des enfants, des serviteurs et servantes ainsi que des enfants de ceux-ci. Une maisonnée où il n'y aurait aucun enfant n'est que peu crédible. Or ici c'est bien toute la maison qui est baptisée (et Luc semble y tenir par la répétition du mot "tous" v. 32 et 33). S'il n'est pas explicitement dit qu'il y avait des enfants, le lecteur antique le déduisait légitimement, sans quoi l'évangéliste n'aurait pas manqué de précisé que les enfants ne furent pas baptisés s'il avait poursuivit une idée anabaptiste. Si ce seul texte ne suffit peut-être pas à fonder bibliquement le baptême des enfants (d'autres textes le permettent bien d'avantage), il ne permet pas d'écarter l'idée d'un baptême d'enfants dans la Bible. Calvin l'interprète d'ailleurs en disant que la foi d'un homme à suivit à le sauver lui et sa famille et à permettre le baptême de tous.


Le baptême de Jésus peut-il être modélisant ?

La présentation a effet un magnifique fondement biblique, la présentation au Temple. C'est ce que les Evangiles relatent avec cet épisode très touchant où Jésus est accueilli dans les bras de Syméon. En effet, Jésus a été présenté enfant (comme tous les petits juifs de son époque). La logique développée dans l'article semble proposé le parcours de Jésus présenté enfant et baptisé adulte comme modèle de ces étapes pour nous. Il me semble que le baptême de Jésus ne peut pas être comparé au nôtre dans la mesure où sa signification, son sens et sa fonction sont totalement différents de notre baptême: Jésus n'entre pas dans une démarche de repentance, de purification de son péché, de mort de son ancienne nature, ou de quoi que ce soit de ce genre. 
Le baptême du Christ n'est pas l'événement où il est purifié mais où il purifie. Il n'est pas lavé du péché, mais au contraire il en est revêtu à ce moment-là. Il sort des eaux couvert du péché de l'humanité, ce qui permet au Baptiste de dire: "Voici l'agneau de Dieu qui porte/enlève (synonymes en grec) le péché du monde" (Jean 1,29). Il le porte, il l'a sur lui. Si ce baptême intervient à l'âge adulte, il intervient surtout au début de son ministère. Le baptême de Christ, de part son sens, ne peut être mis dans la même logique que notre baptême.


La présentation/bénédiction d'enfant ne permet pas de sortir de la logique binaire "baptême"/ pas baptême, mais elle équivaut à choisir l'option "pas baptême".

Philippe, dans son article, semble proposer la présentation comme une alternative au choix entre "baptême" d'une part et "pas baptême" d'autre part. On ne saurait que louer cette volonté de dépasser l'opposition binaire par le troisième terme. Encore faut-il qu'il s'agisse réellement d'un troisième terme. Or le sentiment que j'ai eu à la lecture dudit article c'est qu'il s'agit d'avantage d'un compromis que d'un troisième terme. Le compromis permet de concilier les deux idées de baptême et non-baptême dans une forme de ni pour ni contre, bien au contraire, pour éviter de trancher et de se décider réellement, ou en l'occurrence de mettre les parents et familles devant un tel choix. On ne veut pas vraiment baptiser, mais on veut quand même faire quelque chose, alors va pour la présentation. Ma crainte lorsque la présentation est vécue comme cela c'est le manque de clarté (comme lorsque dans un même culte certains font leur confirmation et que d'autres ne confirment pas, mais qu'on dit quand même que c'est la confirmation), mais ayons confiance que les ministres savent clarifier les choses. En revanche cela n'enlève pas le problème que la présentation reste, dans ce cas de figure un baptême sans en être totalement un. La différence entre les deux me semble bien difficile à tracer. Si comme l'écrit Philippe être baptisé "ne donne pas un avantage particulier sur les autres"et si les non-baptisés "ne sont pas moins membre de l'Eglise et moins enfants de Dieu que ceux qui l'ont été" et si lors de la présentation, "il s'agit d'appeler la bénédiction de Dieu sur l'enfant et sa famille, pour les parents de prendre un engagement, et pour la communauté de les accueillir dans la famille chrétienne", quelle différence avec le baptême ? et en quoi le baptême est-il encore nécessaire ou utile ?
Si au final être baptisé ou non ne change rien pour l'enfant, et si comme me le précisait Philippe "le fait d'être baptisé ou non ne va pas déterminer la capacité de Dieu d'intervenir dans la vie de la personne", n'est-ce pas rendre le baptême inutile et inefficace ? C'est ce que conclut l'auteur: "Le baptême ne change rien dans la vie du baptisé dans le cas d'un baptême d'enfant. […] La différence se marque plus tard lorsqu'il y a un engagement volontaire ancré dans la foi lors de la confirmation ou du baptême d'adulte."
Il me semble que la présentation gagne tout son sens en n'étant pas proposée comme un moyen terme entre le baptême et le non-baptême mais comme une démarche tout à fait différente. Et c'est là que nous nous rejoignons Philippe et moi il me semble. Comme l'a écrit Carolina Costa: "l'essentiel reste toujours dans le sens de la demande et de la démarche des familles". Au ministre donc de discerner s'il s'agit plutôt d'une demande de baptême ou de présentation. Mais gardons-nous de proposer la présentation comme un moyen terme confus entre le baptême et le non-baptême. D'autant que la présentation ne permet pas de sortir de l'opposition baptême / pas baptême, puisque choisir la présentation revient à prendre l'option "pas baptême". Mais au final… baptême ou pas baptême à quoi bon se poser la question si ça ne change rien ?


La présentation et le baptême: l'éclairage des Pères 

La différence entre la présentation et le baptême réside dans la dimension du sacrement. La présentation est certes une bénédiction, un accueil et en cela il est un geste magnifique, beau et porteur de sens. Pour les Pères le sacrement est, tout comme pour les Réformateurs qui en sont les héritiers, signe visible d'une grâce invisible. Mais il comporte également une efficacité, à savoir que pour les Pères la Parole est performative. La Parole fait ce qu'elle dit, au sens où dans la Genèse "Dieu dit… cela fut". Toutefois, les Pères grecs n'entrent pas dans la logique ex opere operato de la théologie catholique (en résumé, le sacrement est opérant en lui-même indépendamment de toute circonstance extérieure). Pour les Pères grecs le sacrement est efficace, mais la foi (ou en l'occurrence le manque de foi) peut limiter l'effet de celui-ci. On évite ainsi de tomber dans une idée magique du sacrement et du baptême comme une protection divine posée sur l'enfant lui assurant bonheur, santé et prospérité.
Cependant l'enseignement des Pères affirme que le baptême détermine la capacité de Dieu à intervenir dans la vie de la personne. C'est d'ailleurs pour cela que le baptême a été institué: le baptême est l'intervention de Dieu dans la vie de l'homme. Pour les Pères le baptême:
  • Réconcilie l'homme avec Dieu et l'établit dans Son intimité (Nicolas Cabasilas)
  • L'homme réintègre, de manière potentielle, l'état adamique originel (Syméon le Nouveau Théologien)
  • Retrouve la familiarité avec Dieu perdue à la chute (Grégoire de Nysse)
  • L'homme revêt le Christ, comme dit dans Galates 3,27
  • Il devient participant de Dieu (Cyrille de Jérusalem) et conforme à Lui (Jean Chrysostome) ; cette idée se retrouve également chez Calvin.
  • Il reçoit l'adoption filiale (Marc le Moine) et entre dans la famille de Dieu (Grégoire de Nysse)
  • La plénitude de la grâce et de la vie lui est communiquée (Marc le Moine)
  • Et Denys l'Aréopagite pour conclure qui dit que le baptême est moins notre naissance en Dieu que la naissance de Dieu en nous. (Denys l'Aréopagite, Hiérarchie Ecclésiastique, II, 1.) 
Ainsi en résumé, si la présentation est un geste porteur de sens, le baptême est quand à lui porteur de puissance. Calvin ne dit d'ailleurs pas autre chose lorsqu'il affirme que le baptême remet de manière effective le péché originel et qu'il sanctifie le baptisé.
Dans le catéchisme de Genève de 1545, il affirme que le baptême:

  • Purifie du péché (Q. 325) "Dieu ne promet pas en vain. Par quoi il est certain qu'au baptême la rémission des péchés nous est offerte et que nous la recevons". (Q. 328)
  • Mortifie notre ancienne nature pour nous faire revivre en Christ (Q. 326)
  • Nous revêt de Jésus-Christ et confère l'Esprit Saint (Q. 331)
  • Nous incorpore à l'Eglise chrétienne (Q. 74 du catéchisme de Heidelberg)

En conclusion
Le baptême et la présentation ne sont pas des réalités du même ordre. Selon moi il convient d'être très clair à ce sujet si on propose baptême vs. présentation ou lieu de baptême vs. pas baptême. Car en réalité même en ajoutant la présentation à l'équation, cela revient quand même à la question baptême vs. pas baptême. Choisir la présentation, c'est choisir de ne pas baptiser. Sans quoi il faut admettre que dans la pratique la présentation est trop souvent vue comme un demi-baptême, baptême léger, baptême sec… ou tout autre qualificatif inapproprié qu'on lui donne parfois, et dans tout les cas un moyen terme douteux. Le geste de la présentation est trop beau et fort pour qu'il soit tinté d'une image de baptême au rabais comme compromis lorsqu'on arrive pas à se décider.

Je remercie Philippe pour son article qui m'a permis de me replonger dans la théologie sacramentelle des Pères de l'Eglise et suis sûr qu'il ne verra dans cette réponse que le témoignage de ma profonde amitié.

dimanche 17 janvier 2016

Vie et paroles d'Abba Antoine le Grand

17 janvier - mémoire de Saint Antoine le Grand

Lors que les premiers moines s'établirent au désert, se retirant dans leur cellule taillée dans le rocher ou faite de branchages, ils furent souvent rejoint par des frères qui les prirent pour pères spirituels. Il était habituel d'aller voir les pères pour leur demander une parole: "Père, donne-moi une parole". Le frère repartait simplement avec cette parole en guise d'enseignement.



Voici quelques paroles (ou apophtegmes) d'Abba Antoine le Grand:

Abba Antoine disait: "Celui qui demeure au désert et vit dans le recueillement est débarrassé de trois combats, ceux de l'ouïe, du bavardage et de la vue; il n'a plus à faire qu'à un seul, celui du coeur".

Abba Antoine alors qu'il était dans le désert, fut en proie à l'acédie*, il dit à Dieu: "Seigneur, je veux être sauvé mais mes pensées ne me lâchent pas, que faire en mon affliction, comment être sauvé."Allant un peu dehors, Abba Antoine voit un homme semblable à lui assis à travailler, puis levé de son travail pour prier, et à nouveau assis à tresser une corde, puis encore debout pour la prière. C'était un ange du Seigneur envoyé à Antoine pour le corriger et l'affermir. Et il entendit l'ange lui dire: "Fais ainsi et tu seras sauvé. Entendant ces paroles il éprouva beaucoup de joie et de courage, et faisant ainsi il fut sauvé.

Abba Pambo demanda à Abba Antoine: "Que faire ?" Le vieillard lui dit: "Ne mets pas ta confiance en ta propre justice, ne te soucie pas de ce qui est passé, et devient maître de ta langue et de ton ventre."

Une moine qui avait fauté fut chassé de son monastère. Il alla auprès d'Abba Antoine, et après quelque temps celui-ci dit au moine de retourner dans son monastère. Mais les frères refusèrent de le recevoir. Abba Antoine leur fit dire: "Un navire fit naufrage en mer, il perdit sa cargaison mais put avec peine se sauver en regagnant la terre ; mais vous, ce qui a été mis à l'abri sur terre vous voulez le jeter à la mer". Lorsqu'ils apprirent que c'était abba Antoine qui l'envoyait ils le reçurent aussitôt.

Abba Antoine dit encore: "Dieu ne permet pas les combats de l'ennemi contre cette génération comme au temps des anciens. Il sait en effet qu'elle est faible et ne peut le supporter."

Abba Antoine dit: "Je connais des moines qui, après beaucoup de peines, sont tombés et sont allé jusqu'à perdre l'esprit, pour avoir mis leur espérance dans leur oeuvre, estimant qu'elle plaisait à Dieu, mais qui avaient négligé le précepte de celui qui dit: "Interroge ton père et il t'enseignera, tes anciens et ils te parleront." (Dt 32,7)

Abba Antoine dit: "J'ai vu tous les filets du diable déployés sur la terre, et j'ai dit en gémissant: qui donc les franchira ? Et j'ai entendu une voix dire: l'humilité."

Abba Antoine dit: "Moi je ne crains plus Dieu mais je l'aime, car l'amour chasse la crainte. (1 Jn 4,18)"

Les citations sont tirées de la Collection systématique des Apophtegmes des Pères, Paris, Cerf, 1993-2005.

*Acédie: perte de goût et de motivation pour la prière, la lecture de la Bible et les choses spirituelles en général.

Antoine (251- †356) nait dans une famille riche d'Egypte. "Etant une autre fois entré dans l’église, et entendant lire l'Evangile où Jésus-Christ dit : « Ne vous inquiétez pas du lendemain » (Mt 6, 34), il ne put se résoudre à demeurer davantage dans le monde." Il quitta sa maison pour embrasser une vie solitaire, veillant sur lui-même, et vivant dans une très grande tempérance. Mais le démon, qui hait tout ce qui est digne de louange et qui voit toutes les bonnes actions des hommes, ne pouvant souffrir de voir une personne de cet âge se porter avec tant d’ardeur dans un tel dessein, résolut d’user contre lui de tous les efforts qui seraient en son pouvoir. Mais Antoine, en opposant ces saintes considérations à tous les efforts démoniaques, ils n’eurent aucun pouvoir pour lui nuire.  (Extraits de la Vie de Saint Antoine écrite par Athanase).
Antoine décida de vivre dans une plus grande solitude et quitta alors les abords du village où il vivait alors et se rendit au désert. Là il vécut 20 ans sans sortir ni voir personne.
La réputation de sa sainteté se répandit et de nombreuses personnes allaient le voir. De nombreuses frères cherchent à s'installer près de lui. En 312, Antoine quitte cette communautés de cellules qui s'est formée pour gagner une plus grande solitude encore. Les visiteurs continuent de venir leur voir pour recevoir ses conseils.

mercredi 6 janvier 2016

Jésus fut baptisé


Fête de la Théophanie




"Dans le Jourdain lorsque, Seigneur, tu fus baptisé, à l’univers fut révélée la sainte Trinité ; en ta faveur se fit entendre la voix du Père te désignant comme son Fils bien-aimé ; et l’Esprit sous forme de colombe confirma la vérité du témoignage. Christ notre Dieu qui t’es manifesté, illuminateur du monde, gloire à toi.

En ce jour de l’Epiphanie l’univers a vu ta gloire, car, Seigneur, tu t’es manifesté et sur nous resplendit ta lumière ; c’est pourquoi en pleine connaissance nous te chantons : Tu es venu et t’es manifesté, Lumière inaccessible.

Lorsque tu illuminas par ton Épiphanie l’univers, alors s’enfuit l’amère incrédulité et le Jourdain remonta son cours, nous élevant jusqu’au ciel : Christ notre Dieu, garde-nous désormais dans la sublimité de tes divins commandements, et prends pitié de nous. "
(Tropaires et kondakion de la fête de la Théophanie)